Bâtir sur de nouvelles fondations les services de transport complémentaires aux réseaux urbains
Présenté à la Commission des transports et de l’environnement
Le 6 mai 2019
Obtenir le mémoire complet:
https://atuq.com/wp-content/uploads/2019/05/ATUQ_PL-17_Transport_rémunéré_de_personnes_20190506-VFinale.pdf
Sommaire exécutif
L’Association du transport urbain du Québec (ci-après « ATUQ ») est favorable à la libéralisation de l’industrie du transport rémunéré de personnes, un des principaux éléments du PL-17, puisqu’un marché ouvert peut apporter une solution durable à la pénurie de chauffeurs en élargissant le bassin de fournisseurs potentiel. Cependant, cette libre concurrence devra être accompagnée d’incitatifs qui nécessiteront du financement accru afin d’assurer qu’un nombre suffisant de chauffeurs continue d’offrir le service de transport adapté et de taxi collectif sur tous les territoires et à tout moment de la journée.
Un événement particulier pourrait avoir l’effet instantané de réduire l’offre de service de transport par taxi des STC, comme lorsque survient une tempête de neige par exemple. Le nombre de clients des taxis est en très forte hausse pendant ces situations et ceci pourrait à la fois réduire le nombre de chauffeurs intéressés à offrir aux STC ce service et faire augmenter les prix avec la tarification dynamique. Plus de 50% des déplacements en transport adapté doivent être faits durant les heures de pointe. Cette réalité aura donc aussi un effet sur les prix liés à ces déplacements. Le gouvernement sera-t-il prêt à hausser en parallèle le financement accordé à ce service afin de répondre à la hausse de coûts inévitable que va permettre la tarification dynamique ? Les STC pourraient rencontrer des difficultés majeures à livrer le service de transport et à couvrir l’augmentation des coûts qui risque de se produire.
Dans un marché en équilibre, il y a une offre juste suffisante qui permet de répondre à la demande. S’il y a trop de fournisseurs prêts à offrir leurs services, les prix vont être poussés vers le bas, alors que s’il n’y en a pas suffisamment, les prix peuvent grimper considérablement. Cependant, qu’arrivera-t-il si à la base, le marché n’assure pas une rentabilité minimale pour que les fournisseurs soient suffisamment intéressés à maintenir leur offre de service ? Un marché ouvert produira sans aucun doute une instabilité de l’offre, du moins à court terme. En effet, les routes les plus payantes seront couvertes par un grand nombre de fournisseurs, peut-être même trop, durant une certaine période, alors que d’autres secteurs ou même d’autres régions entières ne seront pas desservis faute d’avoir un nombre suffisant de clients potentiels. Une ouverture du marché va inévitablement répartir la totalité de l’argent disponible pour le transport parmi un beaucoup plus grand nombre de fournisseurs. Plusieurs compagnies de taxis traditionnelles risquent donc de cesser leurs opérations simplement parce que le partage de l’argent disponible sera fait parmi beaucoup plus de chauffeurs qui vont, pour plusieurs d’entre eux, se satisfaire de tirer seulement un revenu d’appoint et non pas en faire leur principale source de revenus. Les STC risquent ainsi de ne plus avoir la possibilité de conclure des ententes avec des compagnies de taxi puisqu’elles risquent de, soit ne plus être en activité, soit avoir accès seulement à un nombre trop limité de chauffeurs. Le risque de voir certaines régions desservies par un trop grand nombre de chauffeurs tandis qu’une pénurie sera constatée pour d’autres est cependant présent, et ceci plus particulièrement durant la période de transition. Il est difficile de prévoir si les intervenants actuels demeureront et de nouveaux intermédiaires viendront s’établir dans les divers marchés. Dans certains cas, des monopoles ou oligopoles pourraient apparaître, joueurs pouvant contrôler l’offre sur un territoire et influencer les prix. Les sociétés de transport sont préoccupées par les risques d’une concentration excessive de l’industrie. Elles demandent au gouvernement de rester vigilant face à ces risques et de soutenir au besoin les sociétés afin de s’assurer qu’une offre de service adéquate soit disponible.
Par ailleurs, la même logique pourrait s’appliquer dans le transport collectif si des mesures ne sont pas prises pour assurer la complémentarité des offres de mobilité intégrée, c’est-à-dire que les nouvelles mobilités issues du transport rémunéré de personnes par automobile soient complémentaires aux réseaux des sociétés de transport. Un réseau public de transport collectif est un équilibre complexe entre des services bénéficiaires et des services déficitaires, et ce, afin de diminuer le déficit global du système et le financement public nécessaire. Certains nouveaux joueurs vont naturellement se positionner en concurrence des services les plus demandés, et l’équilibre de l’offre et de la demande pourrait être modifié, ayant pour conséquence de diminuer la performance globale du réseau de transport public. Plusieurs STC à travers le Québec ont commencé à expérimenter de nouvelles solutions de mobilité, en s’appuyant sur le microtransit ou le transport à la demande. Il est indispensable de continuer à permettre ces innovations tout en assurant la complémentarité entre les modes durables lorsqu’il existe des services de transport en commun. Un marché ouvert, une dérèglementation complète sur le chaînage de plusieurs déplacements constitue un risque majeur pour les réseaux réguliers des STC. La compétition des services permise par l’arrivée de nouveaux joueurs comme Uber et Lyft avec ceux des STC est un risque réel qui doit être empêché par des mécanismes de contrôle dans un contexte de gestion globale de la mobilité sur les territoires.
À ce titre, il ne faut pas que les articles 146 et 147 du PL-17 puissent être contournés pour organiser du covoiturage organisé et professionnalisé, comme celui offert par UberPool, qui se retrouverait directement en compétition avec les services offerts par les STC. Il faut absolument s’assurer que les services soient complémentaires et non pas en concurrence directe puisque ceci ne ferait qu’augmenter la congestion routière et les émissions de GES et donc irait à contrecourant de la Politique de mobilité durable.
Le projet de loi doit non seulement prévoir l’environnement réglementaire permettant la mise en place et le développement des nouvelles mobilités, mais il doit également permettre aux autorités organisatrices et exploitantes d’assumer pleinement leur rôle de planificateur et coordonnateur de l’offre globale de service. De plus, il s’agit de développer, mettre en place et exploiter des réseaux optimaux qui permettent d’offrir des services de mobilités aux citoyens, services qui permettront d’atteindre les grands objectifs de la PMD.
Un élément du PL-17 que les membres de l’ATUQ accueillent favorablement est l’abolition des territoires. La possibilité de transporter un ou plusieurs usagers du transport adapté vers une destination située hors du territoire et ensuite d’avoir la possibilité de prendre d’autres usagers sur le chemin du retour est une mesure qui permettra certainement une plus grande optimisation. Nous croyons que des économies pourront ainsi être réalisées.
Le PL-17 uniformise et allège les exigences minimales de formation pour devenir chauffeur. Cet allégement présente certains risques, mais aussi des opportunités. En effet, si d’un côté, une formation minimale mal conçue peut mal préparer les chauffeurs, de l’autre, la nouvelle formation pourrait être mieux adaptée à la réalité du service. Les STC voudront contribuer à définir la formation qui sera exigée pour le transport adapté. Les STC devraient donc être consultées pour l’élaboration de la nouvelle formation minimale puisqu’elles sont les plus informées de la réalité vécue sur le terrain. L’ATUQ comprend bien la nécessité de limiter les barrières à l’entrée, comme peut l’être une trop longue formation, afin que cette formation ne devienne pas un frein à l’ouverture du marché. Néanmoins, dans le cas du transport adapté, une formation minimale adéquate est absolument nécessaire.
Dans la Loi actuelle concernant les services de transports par taxi, seuls les véhicules accessibles pouvaient obtenir des permis restreints. Avec l’adoption du PL-17, plusieurs questions se posent : quels incitatifs y aura-t-il pour assurer une présence suffisance de véhicules adaptés dans les flottes des fournisseurs de services ? De quels leviers les STC disposeront-elles pour obtenir les services d’un nombre suffisant de véhicules en mesure de répondre à ce type de transport ? Les véhicules de grandes dimensions, permettant le transport adapté et collectif de plusieurs personnes à la fois, doivent être favorisés par règlement ou avec l’ajout d’incitatifs financiers. De tels incitatifs financiers devraient être tenus en compte dans le financement rendu disponible par le MTQ. Les sociétés de transport sont particulièrement inquiètes face au risque d’une pénurie de véhicules adaptés pour combler les besoins grandissants du transport adapté.
Le PL-17 n’identifie pas de façon précise avec quel groupe les STC devront signer les ententes contractuelles afin d’assurer les services de transport adapté et les services complémentaires à ceux offerts par leur propre réseau comme le transport à la demande. Elles pourront donc être appelées, selon les fournisseurs présents sur leur territoire, à conclure des ententes soit avec des répondants, des répartiteurs ou même directement avec des chauffeurs indépendants. Le scénario à éviter est une signature de contrat directement avec chacun des chauffeurs, ce qui serait extrêmement complexe à mettre en application et représenterait une lourdeur administrative inefficace.
Afin d’assurer de façon adéquate et optimale les services requis, les STC doivent pouvoir compter sur des fournisseurs stables, ayant les ressources financières et humaines suffisantes. Il est essentiel que la relation entre les STC et les intermédiaires retenus, qu’ils soient répondants ou répartiteurs, en soit une de client-fournisseur afin d’éviter tout enjeu de relation de travail. Les protections à cet égard sont importantes pour les STC et devraient être reconduites dans la nouvelle loi. Certaines de ces protections présentes dans la législation actuelle seront abrogées avec l’adoption de PL-17. Nous proposons donc une clause explicite au PL-17 précisant qu’il n’y a pas de lien employeur / employé entre les chauffeurs et les STC ou les organismes à but non lucratif qui organisent de tels services en leur nom.
Pour exo et les STC, la possibilité de conclure des ententes de gré à gré est une alternative de contractualisation essentielle que les STC doivent pouvoir utiliser non seulement pour le transport adapté, mais aussi dans le cadre de tous contrats faisant appel aux services des fournisseurs de l’industrie. Pour les STC, les modalités permettant une attribution de contrat sont prévues aux articles 81 et 83 de la Loi sur les STC. Il est important que ces articles soient maintenus et qu’exo puisse également les utiliser. De plus, quelle que soit l’intention du législateur, nous croyons que l’article 194, mais aussi toutes les références aux STC du projet de Loi, doivent inclure le Réseau de transport métropolitain (exo).
Il doit également y avoir un ajout de clauses spécifiques pour encadrer les relations contractuelles entre les systèmes de transport et les STC et limiter les impacts en termes de relations de travail. Il faut également instaurer une pratique de consultation avec les autorités organisatrices et STC pour tous les aspects reliés à la règlementation, qualifications et autorisations octroyées aux nouveaux acteurs du transport rémunéré de personnes.
Les membres de l’ATUQ tiennent à souligner les efforts de collaboration du gouvernement pour l’élaboration de la PMD et les consultations relatives au transport rémunéré des personnes. Une approche d’échanges ouverts et collégiaux est maintenant instaurée et la qualité des initiatives, nous croyons, en est grandement rehaussée. Nous croyons que cette collaboration entre le gouvernement, les autorités compétentes éventuellement chargées de la loi – nommément la SAAQ et la CTQ –, les autorités organisatrices de transport et les STC doit continuer, en particulier pour la mise en œuvre du projet de loi 17.